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Santé de la mammelle, identifier les sources d’infection

Les infections de la mamelle restent la première pathologie des élevages laitiers.

Une approche de la santé de la mamelle basée sur la définition du modèle infectieux doit permettre de renforcer l’efficacité des traitements et la longévité des animaux, tout en réduisant l’usage des antibiotiques.

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Les infections de la mamelle restent la première pathologie des élevages laitiers. En plus d’avoir un effet sur le bien-être des vaches, ces infections sont coûteuses : en moyenne 224 €, en considérant le coût du traitement et la baisse de production laitière, et jusqu’à 500 € pour une mammite clinique liée à une bactérie Gram négatif. Sur le terrain, dans 90 % des cas, les éleveurs sont seuls pour prendre en charge les mammites peu sévères. Mais le traitement mis en place est souvent probabiliste. Or, en cas d’échec du traitement de première intention, les chances de guérison diminuent, d’où l’intérêt de l’adapter au mieux dès la prise en charge grâce au développement des analyses bactériologiques et des antibiogrammes en cabinet vétérinaire. C’est l’une des voies recommandées par les pouvoirs publics dans le cadre du nouveau plan Ecoantibio 3 : « Mettre à disposition des outils pour leur [les antibiotiques] prescription et une administration responsable. »

La prévention se joue dès l’élevage des génisses

En amont, la meilleure façon de ne pas utiliser d’antibiotiques est bien sûr de ne pas avoir d’infection. Et, en la matière, la prévention commence dès l’élevage des génisses. Dans les Hauts-de-France, sur la zone couverte par Avenir Conseil élevage, un tiers des primipares démarrent leur première lactation à plus de 100 000 leucocytes. « Si elles restent durablement à plus de 100 000 cellules, la bibliographie nous apprend que c’est le signe d’un problème survenu au cours de la phase d’élevage de 6 mois au vêlage », explique Laurent Hédon, spécialiste qualité du lait de l’organisme de conseil. Deux aspects à expertiser entrent alors en ligne de compte.

La conduite alimentaire : un engraissement excessif peut conduire à des dépôts graisseux au niveau de la mamelle qui vont empêcher son bon développement. À l’inverse, lorsque les génisses sont trop maigres ou qu’elles ont été confrontées à des périodes de perte de poids génératrices de stress, elles sont plus sensibles aux infections, notamment de la mamelle, en raison de sphincters qui font moins bien leur travail. « Il est possible d’avoir des périodes dans l’année où les animaux grandissent plus ou moins, pour valoriser au mieux les fourrages. Mais, en aucun cas, cette croissance compensatrice ne doit se traduire par de la perte de poids, rappelle le conseiller. D’où l’intérêt de pesées régulières pour conforter les pratiques de rationnement. »

Les conditions de logement : souvent, les troupeaux grandissent plus vite que les bâtiments. Le logement des génisses peut alors en pâtir (manque de places, curage moins fréquent…). « Le conseil technique a beaucoup mis l’accent sur le confort des taries et des laitières, ce qui a pu conduire à être moins regardant pour les génisses. Or il faut de la rigueur partout, mais c’est là qu’intervient comme souvent la limite de la main-d’œuvre disponible. »

Définir le modèle épidémiologique dominant

Le conseiller propose de travailler avec des seuils épidémiologiques différents selon les thématiques. Une mamelle à moins de 100 000 cellules est présumée saine sans germe à l’intérieur. C’est donc le seuil qui va être privilégié pour juger des démarrages en lactation des primipares : si beaucoup de primipares la démarrent à plus de 100 000 cellules et redescendent ensuite (dans les 60 premiers jours de lactation), l’infection est récente et la recherche se fait autour du péri-partum. Si les animaux continuent leur lactation à plus de 100 000 cellules, l’infection est plus ancienne et les investigations sont à orienter davantage vers la phase d’élevage. « Lorsque le conseiller travaille sur le volet de l’infection en cours de lactation, les seuils à 100 000 et 300 000 cellules vont être croisés pour comprendre la dynamique d’infection. L’objectif est de détecter le point à faire évoluer sans forcément tout chambouler dans l’organisation de l’élevage. »

Prévention. " Si les primipares restent durablement à plus de 100000 cellules, c’est le signe d’un problème survenu au cours de la phase d’élevage de 6 mois au vêlage », explique Laurent Hédon, conseiller d'Avenir Conseil Elevage. (© JM Nossant / reportage GFA)

La connaissance du modèle épidémiologique va permettre de choisir les principales mesures à mettre en œuvre pour stopper la dégradation d’une situation. Pour rappel, on reconnaît deux modèles principaux de transmission des infections mammaires : le modèle d’environnement (entraînant majoritairement des mammites cliniques), et le modèle de traite ou contagieux (dans lequel on retrouve surtout des mammites subcliniques).

Avec le modèle d’environnement, les germes proviennent essentiellement des fèces (E.coli, Streptococcus uberis). Leur capacité à se développer dépend des conditions d’ambiance (température, humidité). Les vaches se contaminent souvent après la traite, lorsque le sphincter est encore ouvert. On trouve également des sources de contamination secondaire, c’est-à-dire des sites occupés de façon transitoire par les germes : les fissures des manchons trayeurs, les lavettes mal entretenues, les mains du trayeur…

Dans le modèle contagieux, on retrouve surtout Staphylococcus aureus et Streptococcus uberis. Leurs sources sont les quartiers infectés, la peau de la mamelle, ou parfois aussi les mains du trayeur. La transmission est associée à la traite. Un défaut de préparation des trayons ou d’hygiène va favoriser la propagation des germes d’une vache à l’autre. Les troupeaux qui présentent à la fois beaucoup de cellules et beaucoup de mammites cliniques sont soit sur un profil mixte (de type Streptococcus uberis), soit sur les deux profils à la fois.

Prélever de dix à quinze vaches pour valider le modèle

Des diagnostics plus approfondis s’imposent. « Dans un grand nombre de cas, analyser les comptages cellulaires individuels et identifier si les mammites surviennent sur des vaches saines ou leucocytaires apporte déjà une bonne indication du type d’infections dominantes dans le troupeau pour décider d’un plan d’action .», explique Marylise Le Guénic, vétérinaire à la chambre d’agriculture de Bretagne. Pour faire simple : « Si des mammites sans signes généraux surviennent sur des vaches à plus de 300 000 cellules aux contrôles précédents, la probabilité d’avoir des Gram positifs est élevée. À l’inverse, l’apparition de beaucoup de mammites cliniques sur des vaches saines est plutôt le signe d’un profil environnement, à Gram négatif .»

Mais, attention, le modèle épidémiologique n’est pas figé. Dès lors, toute flambée de cellules ou de mammites doit mettre en alerte concernant une évolution de l’origine des infections. Les analyses bactériologiques individuelles pourront alors confirmer l’information, à condition de prélever un nombre suffisant de quartiers. « Dans des situations qui se dégradent rapidement, prélever de dix à quinze vaches, pour un coût d’examen de 20 € en moyenne, est souvent suffisant pour comprendre le modèle épidémiologique dominant tout en évitant un coût excessif », précise Olivier Salat, vétérinaire, membre de la commission qualité du lait de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV). Connaître les bactéries dominantes dans un troupeau permettra alors d’ajuster la prévention, de mieux cibler les traitements à l’aide de molécules spécifiques et ainsi de préserver l’efficacité des antibiotiques critiques à large spectre.

Des bactériologies pour améliorer le taux de guérison

Concernant les mammites peu sévères, sans altération de l’état général de l’animal, le recours aux analyses bactériologiques avant prescription est désormais une voie privilégiée. Dans l’attente du résultat, l’injection d’un anti-inflammatoire est la règle à adopter, pour la prise en charge de la douleur de l’animal (voir page 36). Pour les mammites subcliniques, le taux de guérison au moment du tarissement est toujours meilleur par rapport à un traitement en lactation. « Le traitement en lactation doit donc être bien réfléchi en fonction de facteurs individuels comme la parité de la vache, le nombre de quartiers atteint, ou la proximité du tarissement, rappelle Philippe Pottié, vétérinaire en Savoie. Un examen bactériologique préalable, là encore, permettra d’améliorer le taux de guérison que ce soit en lactation ou au tarissement. »

Au tarissement, le traitement sélectif est une obligation réglementaire. Mais, selon une enquête de la SNGTV, un peu plus de 30 % des élevages le mettraient en œuvre. Cela traduit une appréhension vis-à-vis d’un risque sanitaire accru. Cette pratique a pourtant démontré son absence d’effets négatifs sur la santé mammaire, si elle est correctement maîtrisée, en particulier la pose de l’obturateur. Même s’il n’est pas encore démontré que le traitement sélectif diminue le risque d’antibiorésistance, il n’en demeure pas moins que la réduction de l’usage des antibiotiques est un objectif pour le bénéfice de la société en général et pour la préservation de l’image des produits laitiers en particulier.

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